Que voulons-nous construire ensemble ?

Remettre l’économie sur ses pieds

Ce texte a pour objet d’alimenter le débat entre les membres du RIEH sur la façon dont l’économie humaine éclaire l’analyse de ce qui se passe dans le monde avec la crise du COVID-19 et sur la façon d’aborder la phase qui suivra (« Rien ne devra être comme avant »).

Il est dans un premier temps destiné aux administrateurs du RIEH.

En mettant en avant la référence à l’économie humaine, nous affirmons une chose très simple, tellement simple, qu’on nous traite souvent de naïfs ou de rêveurs : l’objectif de l’économie, c’est de répondre aux besoins, dans leur diversité, des êtres humains, tous les êtres humains, grâce au travail de tous, en cultivant la nature sans en être les prédateurs. L’objectif n’est pas de produire de la richesse, mais des biens et des services utiles à la société dans des conditions durables. L’argent est un moyen et non une fin.

La crise actuelle montre qu’une telle affirmation est en fait révolutionnaire. Inutile de chercher ailleurs le changement de paradigme. Le monde d’après sera différent s’il est bâti autour de cette vision commune de notre destin commun en nous donnant les moyens collectifs d’agir.

Il ya tout lieu de croire qu’une telle approche peut faire l’objet d’un large consensus. Tant mieux. Recherchons-le en tirant toutes les conséquences de cette définition simple mais de grande portée.

Face à la crise actuelle, on entend notamment deux discours, simplificateurs l’un comme l’autre. Certains soulignent qu’il faut que « l’économie » reparte le plus vite possible, on s’affole de l’effondrement du PIB, il faut faire repartir la machine à produire de la richesse, mesurée par une quantité d’argent. D’autres se scandalisent, qu’on veuille donner priorité à l’économie sur la santé. Nous faisons partie de ceux qui considèrent que cette mise à l’arrêt provisoire est l’occasion de se poser la question de ce qui est vraiment important pour vivre. De quoi avons-nous vraiment besoin ? Une première réponse est déjà apportée par la crise : pendant le confinement, il faut que certaines activités indispensables continuent,  les personnels de santé sont mobilisés, ainsi que les industriels pour produire les équipements, les chercheurs pour trouver des traitements et des vaccins ; on ne se nourrit pas si les agriculteurs ne produisent pas, si les produits ne sont pas transportés, si les magasins qui distribuent l’alimentation ne sont pas ouverts, si les déchets ne sont pas ramassés. Au passage, nous relevons avec beaucoup d’autres que beaucoup de ces fonctions essentielles ne sont pas reconnues et n’occupent pas les premières places dans l’échelle des revenus, ni dans les représentations de la réussite. Nous nous

Par ailleurs la gestion par tous ne signifie pas non plus la gestion par l’Etat ni par une instance supra-étatique. Les modalités de cette gestion collective sont à définir. L’essentiel est d’affirmer que c’est l’affaire de tous et avec pour objectif l’intérêt commun.

Ce n’est pas l’objet de ce texte déjà trop long d’aller plus loin. Il s’agit seulement ici d’ouvrir un volet essentiel du travail à faire « pour le monde d’après ».

Redéfinir l’entreprise

Le rôle d’une entreprise n’est pas de dégager du profit, mais de produire un bien ou un service qui répond à un besoin de la société, de permettre à des personnes d’obtenir un revenu par leur travail et de le faire en respectant les équilibres naturels.

Ajoutons : en mobilisant au mieux les ressources humaines et matérielles qu’elle emploie (productivité) et les capitaux qui s’investissent dans son activité (rentabilité).

Toute la grandeur et la difficulté d’être une entreprise répondant à cette définition, est de tenir compte de l’ensemble de ces éléments.

Et si telle est la définition de l’entreprise, tous les membres d’une société sont appelés à être des entrepreneurs soit en créant une entreprise, en la  dirigeant, en y travaillant, en lui  apportant les capitaux dont elle a besoin.

Notons que dans cette approche, il y a place pour une diversité de statuts, de l’administration à l’entreprise individuelle, en passant par toutes les sortes d’entreprises privées, sachant qu’aucune d’entre elles ne peut se définir uniquement par son but lucratif. Il n’y a aucune raison pour que l’entreprise privée ne réponde pas un besoin social et aucune pour que l’administration ne se soucie pas de productivité et de rentabilité. On le voit aussi dans cette crise : les hôpitaux publics comme les cliniques privées sont mobilisés et travaillent de concert, toutes les capacités à produire des masques le sont aussi, des consortiums publics / privés transforment leur activité première pour la fabrique des respirateurs, et les structures sanitaires sont tenues de gérer au mieux leurs moyens.

La déclinaison des principes énoncés ici est nécessairement différente selon les sociétés. Mais partout il y a un gros travail à faire pour que le droit soit fondé sur eux.

Réhabiliter la fonction politique

La crise actuelle a redonné toute sa place au politique. Combien de discours n’avions-nous pas entendus pour dire que notre monde était dirigé par une poignée de financiers et le cartel des puissants réunis à Davos. Réjouissons-nous donc du fait que la crise a montré qu’il n’en était rien. Face au risque sanitaire, les autorités politiques des différents pays ont pris la main. On peut critiquer leurs décisions. Mais le fait est qu’ils les ont prises et qu’ils ont reçu un fort soutien de la population pour le faire. Sur décision politique, partout dans le monde des usines se sont mises à l’arrêt et les avions ont cessé de décoller.

Il faut pour la suite s’appuyer sur ce bon exemple pour continuer à maintenir cette hiérarchie. La priorité donnée à la santé, sachons l’étendre à d’autres priorités comme le fait que tous les êtres humains mangent à leur faim et de façon équilibrée, aillent à l’école, accèdent aux soins… La liste de ces priorités a été faite. On la trouve dans les grandes conventions internationales et dans les Objectifs de Développement Durables (ODD) adoptés par l’ONU. Le problème est que le monde reste dominé par des acteurs économiques qui considèrent que ces objectifs ne les concernent pas. Ils exigent, et trop souvent imposent, qu’on les laisse mener leur activité avec le seul critère de dégager le maximum de profit. Il faut donc remettre aux commandes la politique, c’est-à-dire non pas comme on le présente trop souvent le jeu autour de l’occupation du pouvoir, mais la capacité collective à organiser nos sociétés avec l’objectif du bien commun.

Redonnons à la politique ses lettres de noblesse. En commençant par avoir la vision large de sa place dans la société. La politique, ce ne sont pas seulement ce qu’on appelle parfois avec dédain « les hommes politiques ». Ce sont tous les citoyens. La crise montre l’importance de l’esprit civique. A commencer par le respect des règles de confinement. C’est accepter que mon comportement ne soit pas seulement guidé par ce qui me paraît bon pour moi comme individu, mais aussi par l’acceptation de règles qui visent le bien commun, en l’occurrence lutter contre la pandémie.

L’engagement des professionnels de santé, pas seulement pour toucher leur salaire mais pour participer à l’effort collectif, c’est de la politique. Les organisations qui se mobilisent pour que les personnes les plus vulnérables dans la crise puissent être protégées, soignées, continuer à disposer des moyens de se nourrir font de la politique.

Ainsi la politique, capacité collective à s’organiser et à agir sur nos conditions de vie,  est l’affaire de tous, pas seulement des autorités et pas seulement de l’Etat. C’est le sens profond de la démocratie. Dans chaque société, il convient de trouver les modalités de cette organisation en tenant compte de la culture et de l’histoire. L’important est que chacun y ait sa place et que l’objectif soit le bien commun.

Il reste que la fonction de ceux qui dans les circonstances actuelles sont en charge de prendre des décisions, de les faire respecter et d’organiser l’action collective est non seulement essentielle, mais digne de respect. Tenir compte des données fournies par les professionnels de la lutte contre les épidémies, sans leur abandonner le pouvoir de décision, c’est difficile ; concilier la lutte contre l’épidémie et le nécessaire maintien de l’activité pour répondre aux besoins de base, c’est difficile ; communiquer en étant transparent sans être alarmiste, rassurant tout en faisant état des incertitudes, c’est difficile. La critique est légitime. Mais comment ne pas être aussi critique de ceux qui semblent dire qu’ils avaient tout prévu, qu’ils sauraient à coup sûr prendre les bonnes mesures et communiquer de façon exemplaire ? Nos sociétés ont besoin d’accepter que nous ne sommes pas capables d’empêcher les épidémies de surgir tout en prenant toutes les mesures possibles pour le faire, que nous ne savons pas tout du virus et de la façon de le combattre, tout en menant une recherche active, qu’il n’y a pas d’infaillibilité dans la définition des bonnes politiques.

Nous ne sommes pas tout puissants.

Voyons la fonction d’exercice de l’autorité comme un service rendu à la société. Cela concerne ceux qui l’exercent ou qui aspirent à l’exercer, mais aussi tous les citoyens dans leur rapport aux autorités. L’insoumission ne peut pas être un principe d’organisation de la société.

Mettre l’économique au service du bien commun

Il est nécessaire d’avoir une vision juste et équilibrée des rapports entre l’intérêt particulier et l’intérêt commun. Dans la crise actuelle, l’intérêt commun l’emporte manifestement sur l’intérêt particulier. C’est le cas avec l’instauration du confinement, mais aussi avec les diverses sortes de réquisitions. Mais justement, on voit bien que cela n’est possible qu’en période de crise. Il faudra au sortir de celle-ci retrouver un autre équilibre. Et il est souhaitable que cet équilibre ne soit pas un simple retour à la primauté de l’individualisme qui prévaut dans beaucoup de sociétés, notamment occidentales.

Cet équilibre est d’ailleurs différent selon les cultures et c’est à chaque société de le définir.

Dire que l’économie doit être au service du bien commun ne signifie pas du tout que chacun doit oublier son intérêt particulier et n’agir que par pur altruisme. L’expérience historique a assez montré que « qui veut faire l’ange fait la bête ». Au contraire, les sociétés n’avancent que lorsque chacun de leurs membres, individuellement ou en collectifs, prend des initiatives. Elles ont besoin de la créativité, de l’énergie, du travail de tous et de chacun. L’intelligence collective ne s’oppose pas à l’intelligence individuelle, bien au contraire.

Ce qui est demandé à chacun n’est pas d’agir sans souci de son intérêt particulier, mais de poursuivre son intérêt particulier tout en l’intégrant dans l’intérêt collectif.

De même, mettre l’économique au service du bien commun ne signifie pas que c’est l’Etat qui doit tout diriger. La force d’une société réside dans sa capacité à combiner les initiatives de ses membres et la poursuite de l’intérêt commun. De ce point de vue, l’économie humaine récuse le capitalisme comme système visant à maximiser les profits des détenteurs de capitaux, mais accepte complètement l’économie de marché, en veillant à ce que tout le monde y ait sa place, à ce que les biens et services échangés respectent les règles sociales et environnementales fixées par la collectivité.

C’est à chaque société d’organiser les différents processus mettant l’économie au service du bien commun.  Parmi ces processus on trouvera notamment l’organisation des filières pour que tous les acteurs qui concourent à la création de valeur se partagent équitablement cette dernière ; les différents outils d’intervention des Etats, dont la planification, la législation, l’intervention des agents publics et la mobilisation de fonds publics ; la concertation au niveau des territoires locaux permettant une approche globale des besoins de la population et la coordination des moyens d’intervention ; la négociation collective des conditions d’emploi et de travail.

Comme nous l’avons dit plus haut, la politique ce n’est pas seulement l’affaire des Etats et des pouvoirs publiques. Nous prônons au sein des Etats une forte décentralisation donnant notamment à l’échelon local la capacité de coordonner l’action sur le territoire et entre les Etats des formes de coopération (voir plus loin). Nous appelons tous les citoyens et tous les groupes organisés dans la société à participer aux processus de concertation pour définir l’action commune en interaction avec les pouvoirs publics et nous appelons les pouvoirs publics à organiser cette concertation et à en tenir compte dans leurs décisions. C’est cela la démocratie vivante, condition essentielle pour que nous orientions collectivement l’économie vers le bien commun.

L’éducation et la démocratie, piliers du monde d’après

La participation active de la population à ces processus suppose de développer au maximum l’éducation. Nous nous mobilisons nous-mêmes pour participer à l’éducation populaire et nous agissons pour que l’éducation soit développée pour tous de façon permanente.

Le renforcement de la démocratie et le développement de l’éducation sont à la fois des objectifs de bien commun et les principales voies pour les atteindre.

Ils sont essentiels pour déterminer comment nos sociétés et l’humanité toute entière peuvent relever des défis majeurs comme les différents enjeux écologiques (réchauffement climatique, perte de la biodiversité, pollutions, gestion des déchets,…) en même temps que les enjeux de la faim et de la misère et du respect de la dignité de tous. Il est clair que le fait que l’économie soit orientée vers la recherche du profit maximum rend difficile la recherche de solution. D’où la nécessité de replacer l’économie sur ses objectifs humains. Mais ceci ne suffira pas à régler tous les problèmes. Car la conciliation des différents objectifs humains est complexe, pas simplement à cause de la cupidité de quelques uns. Comment produire une alimentation suffisante pour nourrir toute la population du globe tout en n’utilisant que des méthodes qui ne portent aucune atteinte à l’environnement ? Comment fournir à toute la population du globe l’énergie nécessaire pour répondre à ce qu’elle considère comme des besoins essentiels uniquement avec des énergies renouvelables ?Les réponses à ces questions et à beaucoup d’autres ne sont pas plus simples que celles concernant une lutte efficace contre le COVID-19. Commençons par accepter cette complexité et à nous méfier de ceux qui prétendent détenir des réponses simples. Ce n’est pas non plus, comme on l’entend souvent, uniquement dépendant de la volonté politique de ceux qui détiennent le pouvoir. Cela suppose un mélange complexe, comme nous le vivons en ce moment, de connaissances, de solutions techniques, d’acceptation de changer ses modes de vie, de capacité à construire des consensus. Et aussi des arbitrages.

Oui, ce ne sont pas aux seules compagnies pétrolières qu’il appartient de décider la quantité de pétrole qu’on extrait du sol et dans quelles conditions, et surtout pas en fonction de l’unique intérêt des actionnaires.Ce sont des choix que nous devons faire collectivement. Il nous faut donc, organiser les processus de décision collective orientée vers le bien commun.

Mais non, ces décisions ne sont pas simples à prendre, car le bien commun ne se discerne pas facilement, ce ne peut être qu’au terme d’un processus complexe impliquant toutes les parties. Opposer en particulier la volonté « du peuple » ou « des gens » considérée comme unifiée à celle des autorités publiques est une simplification abusive et lourde de conséquences totalitaires si ceux qui prétendent détenir par nature la volonté populaire arrivent au pouvoir.

Il faut apprendre à délibérer, à débattre et accepter, avec esprit critique certes, mais aussi esprit civique les décisions prises au terme de ces débats.

C’est pourquoi éducation et démocratie sont les piliers du monde que nous voulons (re)construire.

Le rôle incontournable des financements publics

Dans les pays les plus riches, beaucoup d’autorités politiques ou financières ont décidé de dégager des financements à des hauteurs inconnues en temps de paix pour mobiliser les moyens sanitaires ou pour compenser les pertes causées aux entreprises et aux particuliers par l’arrêt de l’activité. Dans les pays plus pauvres l’incapacité de dégager les moyens pour agir sur ces deux objectifs apparaît particulièrement problématique.

Qu’en conclure pour la suite ?

Dans toutes les situations il convient de promouvoir les systèmes fondés sur le principe « De chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins ».

Certains pays, principalement en Europe, ont su et pu historiquement les mettre en place. Dans ces pays, il s’agit plutôt que le monde d’après continue sur ce plan à ressembler au monde d’avant ! Il ne s’agit pas de changer de paradigme, mais de le conserver. Non pas « Plus jamais ça ! », mais au contraire « Confortons et pérennisons l’existant » !

Dans des pays où l’Etat est faible ou laisse la population à l’abandon, les sociétés traditionnelles savent souvent mettre en œuvre ce principe de façon informelle, même si les moyens sont pauvres. S’il faut transporter un malade gravement atteint à l’hôpital, tout le village participe au financement. Il faut pouvoir passer d’un système informel, à un système construit en s’appuyant sur les organisations de la société civile et, chaque fois que possible, sur les autorités. C’est ce qui se passe parfois  dans la présente crise et c’est ce qu’il s’agit de promouvoir par la suite.

Dans tous les cas, il est essentiel de considérer que les impôts et les financements consacrés à la protection sociale ne sont pas des prélèvements, mais des moyens mis en commun pour des objectifs communs. Ce principe de base d’une économie humaine est souvent jugé très idéaliste, chacun considérant qu’il n’est applicable que si le système fiscal est juste. Dans les systèmes démocratiques, le débat sur ce qu’est un impôt juste est permanent. Il est légitime. Mais le sens civique consiste à savoir en même temps critiquer l’état de droit pour l’améliorer et le respecter. On doit dénoncer ceux qui cherchent à échapper à l’impôt, mais cela suppose d’y consentir pour soi-même.

Organiser la solidarité internationale

Si on entend par mondialisation le fait que ce qui se passe dans un pays concerne tous les autres, nous vivons un grand moment de mondialisation. Le virus frappe tous les pays, il se répand sans tenir compte des frontières. Au même moment la moitié de l’humanité est soumise au confinement. Partout il y a le besoin urgent d’un traitement, d’un vaccin. Notre affirmation selon laquelle l’humanité est une et que nous sommes tous interdépendants, de responsables les uns des autres se trouve parfaitement illustrée par la crise du COVID-19.

Face à cette situation, il y a cependant deux réactions contraires aussi bien chez les dirigeants que chez les peuples : celle du chacun pour soi et celle de la solidarité.

Nous nous situons résolument dans le camp des seconds. Il ne s’agit pas de « démondialiser » mais d’organiser la mondialisation par la coopération.

Il y a cependant un fait qui ressort de la crise et qui vient interroger notre vision de l’humanité comme une. Le rôle des Etats apparaît décisif et incontournable. Ce sont d’abord les Etats qui ont la légitimité pour prendre des mesures contraignantes acceptées par la population. La réapparition des frontières peut être interprétée de deux manières : Si c’est pour ériger des barrières, se protéger de l’extérieur et donner à croire que l’on s’en sortira tous seuls, c’est à la fois illusoire et contraire à notre vision d’un destin commun. Mais si c’est pour délimiter un espace dans lequel on est en capacité politique de prendre des décisions et de les faire appliquer, c’est une modalité incontournable de l’action commune.

La crise actuelle montre donc à la fois l’impérieuse nécessité d’une action coordonnée et l’impasse que serait la recherche d’une gouvernance mondiale capable d’imposer des décisions à tous les Etats et de les faire appliquer. Ce sont donc les voies de la coopération qu’il s’agit de définir et de promouvoir notamment pour mettre en commun les efforts et les fruits de la recherche, organiser les mécanismes de mutualisation des équipements, disposer d’une capacité d’intervention à la demande des Etats là où des urgences se manifestent.

Il est vain de rêver d’une instance mondiale qui se substituerait aux Etats et leur imposerait de façon contraignante des décisions. Il nous faut plutôt promouvoir des conventions dans lesquelles les Etats s’engagent volontairement. Et renforcer les institutions internationales dans leur capacité à agir.

Car nous continuons à les soutenir. Nous ne sommes pas de ceux qui considèrent ces institutions comme un instrument des pays riches pour perpétuer leur domination. Nous ne sommes pas naïfs et nous savons que dans ces institutions les rapports de force continuent de s’exercer. Mais elles jouent un rôle majeur pour permettre des négociations entre Etats et pour mettre en œuvre les décisions prises à l’issue de ces négociations.

Une aide internationale, oui mais « Aide-toi, l’ONU t’aidera ».

Jusqu’à présent, la pandémie a surtout frappé les pays les plus riches, à l’exception de l’Iran. Il est trop tôt pour savoir comment évoluera cette situation. Mais nous pouvons nous réjouir que le problème de la nécessité de soutenir les pays africains ait été assez rapidement posé et des moyens annoncés, notamment par l’Union européenne. Saluer également la démarche engagée pour annuler la dette de plusieurs de ces pays.

Notre préoccupation porte plutôt sur les conditions dans lesquelles cette aide sera attribuée et distribuée. Nous mettons bien sûr en garde contre les risques de corruption. Mais notre expérience nous conduit surtout à affirmer qu’une aide n’est efficace que lorsqu’elle vient appuyer l’action collective des intéressés pour prendre en charge eux-mêmes leur problème.Nous plaidons donc pour la mise en place au niveau des Etats, mais surtout au niveau des territoires, des instances où coopèrent les autorités locales et la population organisée. Ce sont ces instances qui doivent décider comment les fonds alloués doivent être attribués et distribués, et non pas les seules instances gouvernementales, ni les agences représentant les institutions internationales, ni même les grandes ONG internationales qui ne s’appuient pas sur des organisations locales.

Et pour que ces instances soient en capacité de jouer tout leur rôle, il faut renforcer de façon prioritaire, toutes les structures pouvant jouer un rôle d’appui, de formation, d’animation. Ces dernières sont souvent négligées par les financeurs, parce qu’elles ne produisent rien directement et que leur impact n’est pas une donnée mesurable. Leur rôle est cependant essentiel pour que les populations soient les acteurs de leur développement.

Michel TISSIER

Le 19/04/2020, Calviac en Périgord

Laisser un commentaire

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer